Un livre atroce à écrire

À trois jours du lancement, l'auteur du livre sur le cauchemar de Nathalie Simard déclare qu'il a failli tout abandonner en cours de route, bouleversé par les atrocités qu'il devait écrire.

Pour Michel Vastel, qui a écrit sept bouquins dont Trudeau le Québécois et Le Neveu, sur la vie du tueur à gages de Frank Cotroni, écrire l'histoire de Nathalie Simard a été de loin le plus éprouvant sur le plan émotif.


Au début d'août, en pleine période d'écriture, l'auteur a raconté, hier en entrevue, qu'il a pensé laisser tomber. Penché sur son ordinateur, il braillait, incapable d'accepter l'horreur de ce qu'il devait authentifier, désespéré de ne pouvoir agir.


Pour y parvenir, l'auteur a collé sur son ordinateur une petite photo de Nathalie, à l'âge de dix ans, «pour ne pas oublier un instant de quoi il était question».


Chaque fois qu'il se sentait démuni face aux sordides événements qu'il racontait, il regardait la photo : «Il (Guy Cloutier), avait 40 ans, il était bambocheur et un peu grossier, violent, il se glissait dans la chambre d'une petite fille de 10 ans pour l'agresser», rappelle M. Vastel au Journal.


«Cette femme méritait que je continue d'écrire, et je l'ai fait.»


Accumulation d'horreurs


Sa famille, inquiète pour lui, l'a soutenue et M. Vastel, père de trois filles de 22, 28 et 32 ans, est allée jusqu'au bout. Dans Briser le silence, il raconte comment la jeune Nathalie a été agressée physiquement par Guy Cloutier, des passages crus qui donnent froid dans le dos.


Mais l'auteur n'a pas tout mis, il s'est lui- même censuré, par pudeur. «Je n'ai pas voulu tout mettre, surtout les détails horribles trop intimes, confie-t-il. Les agressions qu'a subies Nathalie sont une accumulation d'horreurs, ce n'est pas la peine d'en rajouter. Ça ne se peut pas de descendre si bas.»


La clique à Cloutier


Outre les agressions physiques, Michel Vastel raconte comment Nathalie Simard a été victime de cruauté mentale et d'exploitation financière par la «clique» du producteur.


«L'ampleur du drame humain, c'est qu'en plus de se faire voler sa virginité, Nathalie Simard n'a pas eu de vie. On ne lui a pas permis de s'épanouir. Elle n'était plus un être humain, mais une chose à la disposition du désir sexuel d'un homme et d'une clique qui profitaient de sa naïveté.»


Novem citée


M. Vastel a fait un travail minutieux de journaliste. Lors de son enquête, il a rencontré des policiers et plusieurs proches de Nathalie, notamment son frère, Martin Simard, et sa femme Louise.


Il a eu accès à une foule de documents, des contrats, des déclarations d'impôts, des papiers officiels de la curatelle publique, qui a pris en charge la vie de la jeune fille depuis le 4 mai 1979.


Le nom de la compagnie Novem, aujourd'hui propriété de Véronique Cloutier, est souvent cité : «Ceux qui vont vouloir contester ce que j'ai écrit devront se lever de bonne heure», martèle M. Vastel.

Nathalie Simard dévoilait son terrible secret à l'émission de Paul Arcand à TVA le 26 mai 2004. Sept mois plus tard, Guy Cloutier écopait de trois ans et demi de prison, devenant admissible à une libération conditionnelle après 14 mois.


Briser le silence, publié chez Libre Expression, compte 314 pages. Il sera en librairies le mardi 15 novembre et se détaille 24,95 $. Le lancement a lieu lundi matin au Centre Mont-Royal en présence de la chanteuse. Pour chaque livre vendu, 1 $ sera remis à la Fondation Nathalie Simard.


Michel Vastel a travaillé durant cinq mois, six jours par semaine, à raison de treize heures par jour, pour terminer ce livre. Dans sa préface, l'auteur écrit notamment : «J'ai honte de l'homme, honte de moi.» Pour M. Vastel, l'homme est capable du pire.


L'auteur a aussi écrit Bourassa en 1991, Lucien Bouchard en attendant la suite... en 1995, Landry, le grand dérangeant en 2001 et Chrétien, un Canadien pure laine en 2003.